Locataires. Déjà, c'est pas un titre énigmatique, on comprend pourquoi dès le début du film.
Tae-suk est un squatteur du style classieux. Il a un moto BMW (si je me trompe pas), et tôt le matin, il dépose des pubs sur les serrures de toutes les maisons d'une rue. Le soir, il repasse, et voit celle qui sont restée. Là, il oeuvre, il sort son petit nécessaire de crochetage, s'infiltre, et squatte. Mais là encore, attention, de l'intrusion sérieuse ! Il mange certe une partie du contenu du frigo de ses "victimes", mais il fait aussi le ménage, la lessive, répare votre chaine HiFi (je déconne même pas !), bref, il habite chez vous, à votre place (et peut-être même en plus propre).

Un premier arret à ce point du film. Tae-suk est un personnage discret, et son style de vie l'amène à l'être tout autant. Ainsi, on n'entend jamais sa voix. Peut-être pourrait-on penser que l'acteur est muet, ça n'aurait aucune importance. Il est un peu comme le vent, il vient là où personne ne peut l'entendre.

Reprenons. Tae-suk vie ainsi une vie assez marginale, mais pas déplaisante. Lors d'une intrusion dans une sublime maison, il devient subitement l'objet d'une observation particulière, celle d'une femme battue. Sun-houa vie dans une cage dorée. Son mari est riche, la maison est belle, de même que ses robes, ou tout ce qu'elle pourrait vouloir. Tout ce qui a un prix. Malheureuse, elle se terre donc dans les grandes pièces silencieuses où Tae-suk pense être seul. Il se découvre donc, l'un surpris comme si son parcours s'arretait là, l'autre, à peine étonnée comme si rien ne changerait.
Le mari colérique et a la jalousie maladive rentre. Tae-suk est un peu un ninja, donc sa présence n'est pas remarquée. Sun-houa ne dit mot. C'est son secret, et son seul avantage sur la violence dont elle est victime. Pourtant, l'ambiance s'échauffe, le mari n'est toujours pas satisfait de cette vie de couple. Tae-suk intervient, violemment lui aussi, interagissant pour la première fois avec ses "victimes". Il se prépare à partir, et Sun-houa l'accompagne. On peut y vivre une sorte de cliché du prince charmant avec son destrier (de marque BMW).

Ainsi, Sun-houa adopte ce nouveau style de vie. Et Tae-suk se prend de compassion pour cette princesse incarnant si bien le mutisme douloureux d'une femme finalement tellement ordinaire.

Je ne parlerais pas d'avantage du film, il vaut la peine d'être découvert. La force de la réalisation c'est déjà le silence omniprésent mais loin d'être ennuyeux. Cette absence de paroles entre les deux personnages est en réalité saisissante. Elle dépeind la quintescence de l'amour qui les lies. À côté de cela, il y a de nombreuses références au golf (une métaphore d'une vie sensée être appaisante, mais dont la violence déborde inévitablement), des scènes surréalistes centrées sur Tae-suk.

Allez le voir parce que c'est un bon film (Lion d'argent au festival de Venise 2004).
Le titre original, "Binjip" signifie (en Coréen), la maison vacante.
L'art, l'amour, et le silence.
Locataires