Les distances des couloirs et des pièces sont particulières en cela qu'elles se permettent un complexe de supériorité ahurissant en temps normal. Mais je me sens en temps normal, alors qu'est-ce qui cloche ? Surement mon manque de but, j'erre, sans exactement savoir ce que je fais dans un tel endroit, et pourtant, je me dirige droit vers l'ascenceur. Et elle est là, et je crois que si je me souviens si bien d'elle, c'est uniquement parce qu'elle à un aspect des moins communs. Elle frappe par sa capacité à faire hésiter les impudents la regardant, sur la seule question de savoir qu'est-ce qui, de son regard étincellant et envoutant, sa belle peau d'ébène, ou de sa chevelure flamboyante tranchant avec le reste, qu'est-ce qui de tout ça est le plus saisissant. Elle me plait, et j'oserais bien être juste un peu plus vif, pour me mettre en valeur. Je m'approche inévitablement d'elle, pensant ainsi la troubler autant qu'elle me trouble. Et pourquoi pas l'embrasser après tout ?
Alors même que je considérais la chose, et tentais un guerre de séduction dont les munitions auraient été des clins d'oeils et des mouvements de sourcils, j'étais déjà ailleurs. Seul. En pleine rue.

Une rue piétonne, étalage de tentations consuméristes et autre futilités indispensables. Si ça n'avait été que la foule, j'aurais été rassuré. Je regarde autour de moi, et je vois que l'ambiance aussi à changée. Elle semble plus être en accord avec le tableau cosmopolite d'une grande ville. Colorée d'un cliché, on est en début de soirée, et les néons sont donc allumés. Les gens passent, discutent, rigolent, vaquent à des occupations intéressantes. Et moi, j'ai cette impression étrange que l'on me parle. Personne ne me parle en fait, mais cette sensation aurait bien value d'être entendue. Je comprend "Ils te cherchent". Oui, d'accord, mais qui ? Je ne connais personne ici, et qui plus est, je ne suis vraiment pas du quoi. J'ai l'impression que quel que soit la personne sur laquelle je pose mon regard, dans cette zone piétonne, toute détourne soudainement la tête, comme pour ne pas avouer m'avoir regardé, observé, peut-être même étudié. Donc je prend peur. Puis, "Pourquoi leur fuir, puisqu'ils t'auront, de toute façon ?". Je ne sais pas, et cette question achève de me convaincre : Je ne peux pas rester d'avantage. Je pars dans une direction quelconque, car si la chance m'a sans doute déjà abandonnée, le hasard reste toujours présent. Une sorte d'ami sur lequel on peut compter. "Pourquoi retarder ta mort ?". Ce sentiment étrange que je ressent alors même que je fuis, me permet au moins d'enrager tout en ayant peur. Cela pourra-t-il me permettre de comprendre la situation ? J'en doute, la fuite parait plus naturelle et viscérale. Ou plus certaine, et donc, je l'espère, logique.

Après quelques minutes de course d'abord légère, pour passer innaperçu, puis désespérée, pour passer outre mon supposé futur trépas, j'arrive sous un pont. Et là, je vois une personne dans l'ombre, alors même que je me pensais à l'abris. Une silhouette, puis une autre, et encore une autre, apparaissent, toutes dans l'ombre, alors que je reprend mon souffle. Mes jambes fléchissent car je constate que des ombres s'étendent depuis derrière moi. Je n'ose pas regarder, je préfère rester stupidement là, à contempler ma mort prochaine. Ils sont sordides, le crâne rasé, l'air goguenard. Ils ont des battes, des pieds de biche. Certains ont des couteaux, de différentes tailles. Aucun n'a d'arme à feu. Je me dis, subitement, que ça serait bien snob de ma part d'avoir préféré des tueurs à gages classieux, efficaces, et finalement, courtois. Puis je me dis que ce genre de considérations ne me ressemblent pas. Ils s'approchent, et frappent alors, sans ordre précis. Je suis au sol, probablement en train de perdre mon sang. Je vois la lune. Passé les quelques premières secondes ou peut-être les premiers chocs, je ne sens plus rien, mais je comprend alors pourquoi.


J'ouvre les yeux, et mon réveil va sonner dans quelques minutes. Je vais me faire un café, prendre ma douche, et partir pour ma formation. Je considère l'idée de poster ce rêve glauque, étrange car incompréhensible, et finalement très violent.