Car oui, il a sans doute raison, ce môme qui me sert de neveu. Comment puis-je l'inciter à arreter de jouer à un jeu vidéo qui à l'air de l'hypnotiser. Comprendre, l'empêcher de sauter dans tous les sens, de poser ouatmilles questions d'une rare inanité, ou juste de fouiner dans le bordel qui me sert de chambre comme un chien de douane dressé pour retrouver de la drogue, laquelle ici serait un quelconque appareil "numérique" dont le fonctionnement et le but lui étant inconnu, serait pour lui l'occasion de tripatouiller un objet étrange dans le but initial d'en saisir le sens, mais avec comme résultat final d'au moins forcer son non-fonctionnement à venir, ou au plus, de l'abimer suffisement pour le rendre inutile dès maintenant.

Ces jeux vidéos qui l'hypnotisent donc, je le constate, ne laissent pour autant pas son humeur intacte. Biensûr, je sais qu'une histoire, quelqu'elle soit, ne devrait pas laisser la personne qui l'entend, indifférente. Mais allez donc imaginer que l'histoire de "La liste de Schindler" puisse faire rire, que "Roméo et Juliette" puisse faire peur, ou que "La colline a des yeux" puisse émouvoir. Bref, l'histoire comporte dans son essence même, les émotions qu'elle doit susciter chez ceux et celles qui l'écoutent. Certes. Mais qu'en est-il pour un jeu ? Alors oui, j'entend déjà ceux qui prétenderont que les jeux vidéos n'ont pas d'histoire, vu qu'ils sont vains, inutiles, idiots, stupides, etc. Mais il n'en est pas moins vrai, bien au contraire, que certains jeux ont une histoire (ICO, Shadow of the Colossus, etc), de celles qui laisse un souvenir dans la tête, qui font réfléchir, qui poussent à la réflexion, qui émeuvent même (vous me croirez si vous voulez, mais je n'ai jamais autant utiliser le verbe émouvoir avant ce texte). Pour ce nain qui est mon neveu, l'histoire ne doit pas paraître plus qu'un prétexte pour avoir les coudées franches, et trucider joyeusement qui se présentera devant lui sans avoir de quoi se défendre : Villageois "automatiques", animaux placides, constructions diverses et variées (vive les formules toutes faites), et, parmis d'autres, "monstres-sans-autre-but", "boss-qui-l'a-bien-cherché", ou "truc-surement-méchant-vu-sa-tronche".

Moi qui lui avait acheté "Niourk" (très bon livre, au passage), et qui le pousse, le contraint (d'après ma mère), à lire plus, plus encore, d'avantage, "jusqu'à plus soif", j'ai bien du mal à lutter face à cette tentation bien aguichante. Les jeux vidéos, un univers qui ne demande pas d'effort d'imagination : Parce que demander à un enfant de faire un effort doit sans doute être quelque chose d'infâme. En même temps, je ne lui demande pas de me fabriquer une paire de Nike. Des personnages qui se présentent tel quel, de façon très manichéenne, et que ça n'est pas plus mal, parce qu'il est trop petit "tu comprend" : Oui, ben merde hein ! Moi, à son âge, je restais sur le cul d'apprendre la trahison d'un tel (insérer un personnage qui ne soit pas niais ici, issu de livre, ou au moins de jeux vidéos dont l'histoire n'est pas mièvre), moi qui l'avait considéré comme à jamais de mon côté ! C'est un des plus facilement appréciable élément de surprise, que de se faire trahir dans une oeuvre de fiction. Plus tard, il pourra bien tomber sur des conspirations, des double jeux, des double sens, etc, qui lui feront découvrir qu'une impression peut être trompeuse. Mais surtout, qui lui feront apprécier les histoire bien écrites (dans le sens de "riches et surprenantes").
Au lieu de tout ça, on lui dit qu"une épée lui serait très utile" ou que "Cette porte doit surement pouvoir s'ouvrir avec une clé".

Bon, il est certain qu'il n'aura pas la capacité de réflexion d'un adulte à son âge (sinon, il les torcherait, ses jeux), ça je peux l'admettre. Mais là où j'ai du mal, c'est quand on lui prémache le boulot de réflexion. Gnagnagna, va par là, gnagnagna, rapporte le joli sceptre, rapporte ! Houu qu'il est gentil le héro hein ! Qu'il est gentil le héro à sa princesse !. (e_e)
Merde quoi ! J'étais le premier à me sentir perdu lorsqu'à son âge, dans certains jeux, on me disait au tout début "Sauve le monde, tel est ton destin", parce que j'étais tout à fait partant pour m'acquitter de cette périlleuse quête ! Mais en général, la question qui me trottait dans la tête, c'était "Je dois aller de quel côté ?" ou "Dites, votre arme légendaire, c'est une épée, ça a une autre forme, ou c'est plutôt un concept, comme par exemple, l'amour des autres, l'assurance de ce dont on est capable ?". Le plus important restait que j'éprouvais une immense joie, une fierté, à déjouer les pièges des ennemis, à trouver des objets cachés, à résoudre des énigmes, avec ma seule réflexion. Pour moi, ça n'avait pas de prix. Cela prouvait que j'en était capable, et me poussait à en redemander d'avantage. Aussi, j'avoue être assez étonné que mon neveu ne semble pas avoir, ou vouloir avior ce genre de sentiment. Pour tout dire, j'ai presque peur tant j'ai parfois l'impression que jouer, pour lui, est une sorte de "loisir mécanique", une chose à faire lorsqu'on ne travaille pas, pour garder les muscles de ses doigts actifs, en regardant de "belles images". Une sorte de rendez vous régulier, qui lui fait dire des choses comme "Ouah, c'est comme le précédent !" (chose Ô combien effrayante pour moi, lassé des sempiternelles suites fades qu'on nous sert), et le fait attendre le "prochain" jeu, parce que même s'il faudra y faire le même type d'actions, dans des contextes identiques, en suivant une histoire similaire, ça ne sera pas exactemment le même jeu.

My gosh, je viens de comprendre pourquoi il pourrait si facilement me dire, sans paraître insolent "Tonton, t'es qu'un vieux con" :
Il a l'âge ou tout n'est que prétexte pour ce genre d'histoire clichées, où l'on sauve une princesse, où l'on est le "héro légendaire", parce que finalement, ça n'est qu'éternellement la/les même(s) histoire(s). Le terme loisir est réservé aux adultes, les enfants jouents, loin de l'hypocrisie de ce genre de considérations. Cela n'est qu'une seule et même chose. À une exception près : Là où l'enfant n'aura aucun complexe à revenir aux mêmes joies simples, l'adulte voudra s'en démarquer, préférant isoler ces morceaux d'amusement, qui du test de sa dextérité, de ses performances, de sa réflexion, lui apporteront enfin juste la même chose, à savoir, de quoi se prouver qu'il en est capable, et en triompher. Les "adulescents" voulant préserver de façon intacte le plaisir d'une histoire simple comme celle du sauvetage de princesse reconnaîtront occasionnellement que c'est juste toujours la même histoire, d'un Zelda à un autre, parce que l'avouer ça serait un peu comme de reconnaître qu'il jouent à des jeux pour mômes (et de parvenir à la conclusion logiquement inévitable, "houuu, la honte" ;) ), et je les comprend (je compte jouer au prochain Zelda). Les plus blasés, les plus "adultes", ceux qui ne veulent pas retomber dans l'enfance qu'est ce genre d'histoire, préfèreront attendre l'occasion de tuer la princesse, ou le héro, parce que c'est le genre d'histoire qu'on ne raconte jamais aux enfants (et que j'aimerais aussi pouvoir agir de la sorte, dans un jeu).

Ce que j'aime bien avec ce genre d'analyse psychologique de bistro, c'est que les deux partis ont parfaitement raison.
(n_n)